Le refus du procès dû à Sarah Halimi cristallise à lui seul le refus de juger l’islam. Il en est même le symptôme le plus terrifiant puisque, en refusant ce procès, on refuse de voir au-delà du voile, on préfère frapper Traoré d’une bouffée délirante aiguë plutôt que de déchiffrer son fantasme d’assassiner une femme juive. Mais supposons que Traoré était délirant, son délire ne porte-t-il pas la trace de cela- même qui l’a si profondément déterminé ? D’autant plus qu’il était notoire que Traoré a baigné ad nauseam dans le bain islamo-fasciste qui prône ouvertement et de concert la haine de la femme et du Juif.
Traoré a baigné ad nauseam dans le bain islamo-fasciste qui prône ouvertement et de concert la haine de la femme et du Juif.
Traoré, même halluciné, n’a fait qu’appliquer à la lettre les préceptes du Livre de tuer les insoumis, surtout s’ils sont juifs. La judéité se transmettant par la mère, dans l’esprit islamisé de Traoré Sarah Halimi incarnerait la figure du Mal absolu ; celle qui chantait à l’oreille des enfants était devenue le sheitan. Il va sans dire que la majorité des musulmans ne passeront pas à l’acte comme il l’a fait ; pourtant, ces injonctions existent dans le texte coranique et surtout dans le hadith. Traoré était à mon sens plus fou de Dieu que fou au sens clinique du terme, tout comme l’étaient sans doute Merah et tant d’autres dévots ayant introjecté simplement et littéralement la parole révélée du texte dit sacré.
Un antijudaïsme musulman aussi vieux que le Livre lui-même
Aujourd’hui en France nous ne pouvons pas entendre ce discours, nous refusons d’acter l’installation durable et décomplexée d’un antijudaïsme musulman aussi vieux que le Livre lui-même, et gare à celui ou celle qui, au nom de la parrêsia au sens foucaldien du terme, oserait le murmurer. Une inversion obscène et en miroir des choses fait loi dans notre pays. La peur a changé de camp ! Au nom d’une ancienne culpabilité paralysante, le sujet de l’islam de France devient tabou. Pourquoi a-t-on si peur de dire la vérité sur ce qu’il en est vraiment ? De quoi a-t-on peur ? Dire qu’un fou de Dieu a assassiné intentionnellement une femme parce qu’elle était une femme juive serait-il prendre le risque de dévoiler une vérité que l’on ne veut pas entendre ?
De quoi a-t-on peur ? Dire qu’un fou de Dieu a assassiné intentionnellement une femme parce qu’elle était une femme juive ?
Sarah Halimi n’a même pas eu le procès que l’on accorde désormais aux femmes qu’on prétend défendre de la violence des hommes ? Lorsqu’un féminicide est commis dans le plus petit, le plus lointain village de France, la presse s’en empare avec délectation, pourquoi pas Sarah ? De quoi est- elle le nom ? Elle s’appelait Sarah, Sarah Halimi. Elle était femme médecin et femme juive, son tueur était musulman, dossier brûlant, dossier sensible, c’est de la folie, il était fou ! Ce qu’il a fait en effet était follement insoutenable et c’est pour cette raison qu’il fallait le taire !
La figure du Juif, miroir de la défaite du monde arabo-musulman
Ce qui n’était pas entendable dans cette affaire bien française, c’est que le tueur a tué au nom d’une vérité inscrite, la vérité du texte coranique dans lequel l’antisémitisme est nodal. La haine du Juif est un marqueur d’appartenance au monde arabo-musulman, cette Oumma en déliquescence, nostalgique d’un âge d’or qui n’est plus, n’arrive à se fédérer qu’autour de la kadia al Falastinia, la « cause palestinienne », ce qui n’est finalement qu’un sparadrap de fortune cachant une blessure beaucoup plus large que le Néguev et beaucoup plus profonde que la mer Méditerranée.
La haine du Juif est un marqueurd’appartenance au monde arabo-musulman, cette Oumma en déliquescence.
La figure du Juif n’est que le miroir grossissant de la défaite du monde arabo-musulman, humilié d’avoir raté le train de la modernité.
Le meurtre de Sarah Halimi, un non-événement
Le visage de Sarah Halimi a été écrasé ! Pourquoi une telle fureur ? Pourquoi s’acharner à ce point sur son visage jusqu’à la défigurer, lui enlever ses traits, son identité et tout ce qui la constitue ? C’était une femme médecin, elle était mère, elle était juive. Cet acte de barbarie n’est certainement pas dépourvu de sens ni innocent de toute symbolique. Sarah Halimi n’avait plus de visage, Traoré ne l’envisageait plus que comme sheitan, il lui avait enlevé son humanité en effaçant ses traits !
Cet acte de barbarie n’est certainement pas dépourvu de sens ni innocent de toute symbolique.
Les institutions judiciaires ont fait de son meurtre un non-événement. Au nom de quelle haine commune a-t-on voulu enlever à Sarah Halimi sa qualité de sujet en la privant d’un procès qui aurait pu lui rendre son visage ? En déresponsabilisant Traoré, en déniant le fait qu’il était agi par un dire, un dire inscrit dans les entrailles du texte même, dans lequel la haine de la femme et du Juif fait actualité, on a refusé à Sarah Halimi une sépulture digne de ce qu’elle était. La haine de l’origine a finalement triomphé d’elle, de nous tous.