Délicate, frêle, Sarah Halimi a toujours mené sa vie conformément à ses traits de caractère, discrète mais ferme. Jamais négligée, elle avait une rigueur vis-à-vis d’elle-même qui imposait le respect. Dans les conditions difficiles d’une habitation modeste, elle a éduqué et accompagné ses enfants avec vigueur et clarté. Je me rappelle le souci des détails dans l’organisation de la bar-mitzvah de son fils et le suivi de ses filles.
Mais elle avait une autre famille.
Nous avons faitle compte : plus de quatre cents enfants sont passés par la crèche créée par Lucien Magnichever, qu’elle dirigeait.
C’était invraisemblable! Imaginez un troisième étage sans ascenseur et les mamans qui montent ou descendentles bébés. Vingt-cinq berceaux aux normes les plus strictes, un personnel dévoué de grande ancienneté, c’était la crèche de la rue des Rosiers, et tous les commerçants l’accueillaient en souriant quand elle faisait ses achats.
Madame Halimi a su maintenir le caractère juif orthodoxe de la crèche. Quand la CAF se plaignit des fermetures précoces le vendredi en hiver avant Chabbat, elle laissa une employée non juive jusqu’à l’heure exigée. Je l’ai vue rétorquer sèchement à un inspecteur qui lui reprochait de fermer le jour de Yom Kippour. La mairie demandait d’accepter le jeune enfant d’une concierge voisine. Elle l’accepta. La famille le retira rapidement, car le vendredi soir il demandait à sa mère d’allumer les lumières.