Sarah Halimi, symbole d’une France « abimée »

Mehdi Thomas Allal

Mehdi Thomas ALLAL, fonctionnaire territorial, enseignant en droit constitutionnel à l’université Paris Nanterre et Paris Évry, responsable du pôle « vivre ensemble » du think tank Le Jour d’Après (JDA), membre du club du 21ème siècle.

Le dimanche 25 avril 2021, plus de 20 000 personnes ont manifesté, à Paris et ailleurs, pour réclamer « Justice pour Sarah Halimi ». En effet, le 14 avril dernier, la Cour de cassation a confirmé que le meurtrier de Sarah Halimi était pénalement irresponsable au moment des faits. Il ne sera donc pas jugé… Il faut souligner, dans cette affaire, deux faits rares, contradictoires : l’un est la réaction du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM), qui a produit un communiqué de presse le 25 avril (jour de la manifestation) sur le cas « Sarah Halimi » en nous rappelant le rôle du juge : celui-ci a pour mission « d’appliquer la loi et se doit, en matière pénale, de l’interpréter strictement » ; et l’autre, du Garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti, qui a également communiqué sur le fait que le gouvernement présentera d’ici la fin mai, en Conseil des ministres, un projet de loi pour « combler le vide juridique apparu dans l’affaire Sarah Halimi ».

Les décisions de Justice ne sont pas proportionnelles aux faits et même, pire, il y a trop souvent des non-lieux en matière de violences racistes, sexistes, homophobes, antisémites… Il faut que les législateurs mettent un terme, non seulement à la « mollesse » de notre arsenal juridique, mais également sortent de leur « torpeur » en vue d’agir plus vigoureusement contre tous les formes de racisme et de discriminations au quotidien !

Comme il en est toujours ainsi dans les affaires de racisme, de sexisme, d’homophobie, d’antisémitisme…, la Justice rend des décisions en notre nom, c’est-à-dire au nom du peuple français. Comme d’habitude, la sentence est catastrophique. Nous réagissons en tant que citoyen.ne français, avec nos identités multiples, lorsqu’une personne de confession juive est tuée ; qu’en sera-t-il des citoyen.ne.s d’autres confessions ou non ? Oui, Notre République a le devoir de nous protéger, que l’on soit croyant.e ou pas. Si la patrie ne nous protège, qui va le faire ? Devrons-nous partir ? C’est la question qui traverse l’esprit de nombreuses familles.

Que l’on soit chrétien, juif, musulman, bouddhiste… ou athée, il faut constamment rappeler que les atteintes aux religions sont le propre des fanatiques et des fondamentalistes, vis-à-vis desquels l’État se doit de nous défendre … Il faut sans cesse rappeler, que si la République ne nous offre pas des conditions de vie sereines et non violentes, alors il ne pourra y avoir que le développement de replis sous l’auspice des autres appartenances que la seule communauté nationale.

Sarah Halimi ne pourra reposer en paix, tant que la monstruosité de ce jugement, d’égal à égal avec la monstruosité de ce meurtre, ne sera pas contournée par la loi républicaine. Elle deviendra sinon, le symbole d’une France « abîmée », lasse de juger les auteurs de crimes racistes, antisémites ou homophobes, au nom de ses principes pénaux à la modernité révolue, lasse de juger ses bourreaux.

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