Dans la tradition juive, lorsqu’un accident arrive, on utilise le terme kapara pour parler d’une réparation. Cette réflexion s’inscrit dans la mystique juive qui veut que notre âme « négocié » avec le divin pour se (re)incarner sur terre en vue d’opérer sa réparation et la réparation du monde (gilgoul). On a l’héritage de cette cosmogonie lorsque Jésus, trait d’union entre mondes chrétien et juif, mais aussi musulman, se sacrifie pour réparer le péché des hommes.
Une armée qui a déclaré la guerre à la Fraternité
En quoi, le sacrifice de Sarah Halimi (zikhronah livrakha, de mémoire bénie) ouvre-t-elle la voie à la réparation du monde ? Quels messages nous a-t-elle laissés, elle qui a passé sa vie de femme et de médecin à aimer et à réparer son prochain ? Sa rencontre avec un homme qui s’est fait animal pour la mettre en morceaux est-elle absurde ou est-elle un message que nous devons décrypter ?
Pour que le sacrifice de Sarah Halimi (za’’l) n’ait pas été fait en vain, nous avons le devoir de nommer le danger qui menace notre société fraternelle comme l’avait fait, avec beaucoup de courage, l’ancien Premier ministre Manuel Valls après les attentats de 2015.
Nous avons le devoir de nommer le danger qui menace notre société fraternelle.
L’irruption sporadique de la Bête immonde, nichée au cœur des villes de France, ne change pas notre attachement viscéral à une France fraternelle. Nous nous sentons invincibles en contemplant l’intégration successive de communautés aussi nombreuses que diverses, venues enrichir le creuset national autour de valeurs partagées.
La société française accepte de sacrifier des Sarah Halimi, des Murielle Knoll et, plus près de nous encore, des petites Lola sur l’autel d’un combat que nous refusons de mener. Nous savons tous que les assassins sont des fantassins d’une armée qui a déclaré la guerre à la Fraternité. Le combat doit être mené non par haine, mais par amour pour une société française fondée sur la phrase de Saint- Exupéry : « Mon frère, tu diffères de moi, loin de me léser, tu m’enrichis. »
Gagner les cœurs un à un par une Fraternité concrète
Mais le combat serait perdu d’avance si l’on ne cherchait pas par tous les moyens à faire vivre la Fraternité au sein de notre société. D’abord à l’école, le lieu où se forge l’imaginaire des enfants et la vision de la société dans laquelle ils sont. Si la violence s’installe, elle deviendra une normalité.
Ensuite, dans la cité où les solidarités concrètes s’expriment et où les engagement citoyens créent du lien. Enfin, dans le monde des entreprises, où la révolution industrielle imposée par la transformation écologique implique un projet unificateur et pacificateur.
Si la violence s’installe, elle deviendra une normalité.
Sarah Halimi entre en résonnance avec le combat d’une autre femme rayonnante, Simone Veil (za’’l), laquelle nous a légué un héritage précieux : l’obligation faite aux femmes et aux hommes de bonne volonté de se battre pour promouvoir tout ce qui unit les humains et qui les rend les peuples plus interdépendants les uns des autres. Simone Veil (za’’l) savait ce qu’il en coûte de ne pas mener le combat contre les forces du mal qui peuvent, à tout moment, déchaîner leur violence aveugle.
Simone Veil (za’’l) savait ce qu’il en coûte de ne pas mener le combat contre les forces du mal qui peuvent, à tout moment, déchaîner leur violence aveugle.
La France et l’Europe tout entière doivent offrir un projet de vie à tous pour que la Fraternité ne soit pas un vain mot. Nous devons réparer le tissu social avec la même force que Sarah Halimi a réparé les corps et les esprits de ses patients.
Nous devons gagner les cœurs un à un par une Fraternité concrète pour isoler puis écarter définitivement ceux qui n’appartiendront jamais à notre communauté de destin.