Préambule
La Métamorphose est un texte célèbre de Franz Kafka, dans lequel le protagoniste principal se réveille un matin transformé en cancrelat. Il s’efforce alors de vivre les conditions de sa nouvelle existence, tout en en expérimentant progressivement les contraintes. Le texte présenté ici s’inspire de cela. Il constitue une fiction aux liens certes distants avec la réalité, mais non dénués de véracité. Il tente d’imaginer la transformation de « Kobi Traoré ». Celle-ci est interprétée comme le résultat de son imprégnation progressive par l’antisémitisme tel qu’il s’exprime aujourd’hui dans la société française et, plus largement, dans l’essentiel du monde arabo-musulman. Là où le héros de Kafka, en devenant cancrelat, perd de sa capacité agissante propre à la nature humaine, c’est par le meurtre que Kobi Traoré retrouve un pouvoir d’action sur le monde, au prix de la perte d’une part de son humanité.
La métamorphose de Kobi Traoré
Lorsque Kobi Traoré s’éveilla au sortir de ses rêves agités, il se retrouva dans son lit, achevant sa métamorphose d’antisémite qui allait le conduire au meurtre. « Que m’arrive-t-il ? », se dit-il. Les pensées s’entremêlaient dans sa tête. « Quel rêve confus ai-je fait de m’imaginer ainsi en insecte ? Et si je continuais un peu à dormir et oubliais toutes ces bêtises ? », pensa-t-il. Mais cela était tout à fait irréalisable. Il regarda du côté du réveil, dont il entendait le tic-tac sur la commode. « Dieu du ciel ! » Il était déjà si tard et, comme souvent, il n’avait encore rien fait. Comme il retournait en toute hâte ses pensées dans sa tête sans pouvoir se décider à quitter son lit, une voix intérieure lui murmurait qu’il devait faire quelque chose. Son regard se dirigea alors vers ce qui l’entourait, puis vers la fenêtre où la vue du ciel le galvanisa. Une frénésie d’agir se développait, qui pourrait le calmer.
« Ah, mon Dieu ! », pensa-t-il, « ce monde n’est pas celui qui devrait être et je vais, à mon échelle, le transformer. On est empêché parce que les Juifs nous dominent et nous manipulent. Je l’entends dire partout autour de moi, au café avec mes amis, à la mosquée où je prie, sur internet, dans mes conversations sur les réseaux sociaux. Jour après jour, devenons-nous de plus en plus stupides ? Il y en a d’autres qui vivent avec des femmes comme dans un harem et qui se la coulent douce. J’en ai assez de tout cela. Je n’en peux plus de me retenir à cause de mes ancêtres du pays malien et de la fidélité à mon nom. J’ai maintenant choisi. Je vais agir, transformer mon monde et faire quelque chose qui compte ».
Aujourd’hui, donc, ne serait pas comme hier. À cette pensée, il alla tout de suite mieux. Il avait une faim de loup. Une force animale se développait en lui, qui ne demandait qu’à s’exprimer. Il devait couper court à toutes les objections morales et d’humanité qui pouvaient l’entraver. D’autres souffraient par delà le monde, notamment les Palestiniens. Les Juifs bombardaient les enfants à dessein et prélevaient les organes des adultes en vue de greffes ou de manifestations sataniques. De cela, il s’abreuvait sur internet dans des vidéos qu’il commentait avec d’autres, renforçant la bulle qu’était devenue son existence mais qui, paradoxalement, l’empêchait de vivre vraiment. L’exigence du Djihad criait en lui. Celle de la douceur et de la bonté, liées à l’enfance et à la beauté du monde, s’était évanouie depuis longtemps. Les voies qui avaient mené sa famille de l’Afrique à l’Europe dans une intégration ratée n’avaient que renforcé sa propension victimaire et sa rage. Elles se mêlaient à sa croyance en des forces externes faites de djinns et d’esprits sataniques. Tout cela agissait sur le monde et, parfois, s’incarnait en des êtres humains qu’il importait de détruire individuellement, d’exterminer collectivement. Madame Halimi en était la personnification. Sa gentillesse, dont il avait pu bénéficier dans le passé, n’était qu’une couverture destinée à l’amadouer et à le tromper, en regard des rites qu’elle pratiquait au nom de sa religion maléfique. Il fallait que tout cela cesse.
Il se leva, fuma une fois encore de cette drogue qui, selon le moment, le calmait ou lui donnait l’excitation nécessaire à la continuation de sa vie. Il était prêt. Il avait achevé sa métamorphose…