Il y a quelques années, j’ai écrit un poème pour parler par-delà les nuages au docteur Sarah Halimi. Je témoignais pour celle qui fut massacrée rue Vaucouleurs, un jour d’avril 2017, sans que la police intervienne, la laissant même de longues minutes agoniser dans la cour de son immeuble, son tueur islamiste l’ayant défenestrée et se vantant d’avoir éliminé le sheitan du quartier. Un crime jamais puni assorti d’un fiasco judiciaire, médiatique et politique. Au détour d’une strophe, j’écrivais : « Tant d’années après Drancy, pour les Juifs, la France est-elle un leurre, un paradis sur terre devenu un enfer ? »
Un crime jamais puni, assorti d’un fiasco judiciaire, médiatique et politique.
On peut penser que j’exagère quand je fais un parallèle entre la Shoah et le meurtre sauvage de Madame Halimi, précédé de celui, onze ans plus tôt, de son homonyme Ilan, de ceux des Sandler et de Myriam Monsonégo à Toulouse, de Sébastien Selam, de Mireille Knoll, des quatre de l’Hypercacher et plus récemment de ceux de Jérémy Cohen, René Hadjadj et Eliahou Haddad.
À mon sens, il n’en est rien. Les ennemis ne sont certes pas les mêmes, les temps non plus. Évidemment, la Shoah a touché bien plus de familles et a fait bien plus de victimes que la vague de terrorisme islamiste qui a aussi tué au fil des mois Samuel Paty, le Père Hamel, le docteur Alban Gervaise, les spectateurs du Bataclan et tant d’autres…
Combien de temps tout cela va-t-il durer ?
Pour autant, et pour avoir travaillé sur la question de l’antijudaïsme, souvent déguisé habilement en antisionisme, les mêmes mécanismes sont à l’œuvre. Et d’abord l’incapacité de notre démocratie vacillante, affaiblie par des années de crise économique, politique et sociale, à réagir face au danger. À simplement le comprendre, même. Encore plus à maîtriser ses effets. Et, comme pour la Shoah, nous sommes nombreux à éprouver ce sentiment d’immense solitude et d’abandon. Certains décident alors de partir de leur pays, d’autres de rester en tremblant pour leurs enfants, leurs parents et leurs grands- parents. Combien de temps tout cela va-t-il durer ?