Chère Sarah Halimi,
Chère consœur,
C’est la première fois que j’écris à une consœur en lui parlant d’elle, et non pas d’une patiente commune.
C’est la première fois que je parle à une consœur qui n’est plus.
Mais surtout je m’adresse à une sœur, une sœur que j’aurais pu avoir, celle que j’ai eue est décédée à l’âge de seize ans d’une insuffisance cardiaque.
Sarah, vous êtes ma sœur.
Sarah, vous êtes ma sœur.
Une sœur qui a été assassinée avant ses soixante-six ans, et je ne veux pas dire sauvagement assassinée parce que l’assassin n’est pas un sauvage, mais un être humain qui a tué un être humain parce que juive, avec un comportement barbare.
Sarah, vous êtes ma sœur parce que juive, parce que médecin, et nous aurions pu tous les deux disserter d’éthique médicale, mais nous ne connaissions pas avant que Kobili Traoré, au passé de délinquant chez qui nulle participation de troubles psychiques n’avait été évoquée au cours d’une vingtaine de condamnations pour violences, vols, usage et trafic de stupéfiants, port d’armes, n’ait fait irruption dans votre vie pour vous l’ôter.
Sarah, vous êtes ma sœur parce que juive, parce que médecin, et nous aurions pu tous les deux disserter d’éthique médicale.
L’éthique, c’est le point de rencontre de la responsabilité et des limites de l’action. On voit bien qu’il y a eu un mur judiciaire qui a constitué une limite de cette action de la justice avec l’irresponsabilité pénale confirmée en appel et en cassation. Et pourtant, nous ne désespérons pas de la justice française qui pourrait réexaminer « l’affaire Sarah Halimi ».
Avec notre ami Thibault Moreau, je m’interroge : « France, mon pays, que t’arrive-t-il ? »
Chère Sarah, vous êtes ma sœur, ma sœur qui a été assassinée en tant que juive.
Chère Sarah, vous êtes ma sœur, ma sœur qui a été assassinée en tant que juive.
Vous êtes notre sœur pour tous les Juifs de France, et nous devons garder en nous votre mémoire afin de la faire vivre perpétuellement, d’abord comme personne humaine particulière, et comme la personne qui symbolise la judéité qui est en nous, et qui pour les autres peut suffire pour nous supprimer.
Sarah, ma sœur, vous vivrez en nous et nos enfants.
Il faut que la République française et ses représentants gardent dans leur mémoire la femme juive, médecin au service d’enfants, comme directrice de crèche, enfants porteurs de l’avenir, à qui un criminel a pris sa vie.
Sarah, ma sœur, vous vivrez en nous et nos enfants.
À nous tous, Juifs français, de perpétuer votre mémoire, et votre mémoire sera pour nous le gouvernail de la vigilance pour le « Plus jamais ça ».